La masculine || Laurence Qui-Elle

Résumé : "Elle était une fois la rédactrice La K et sa manipulatrice préférée Glike, une intellectuelle trentenaire et une manuelle quinqua des Femmes à la plume. Dans leur ville parisienne où la Notre-Dame a été recyclée en usine champignonnière alors que la Tour-F-Elle penche désespérément vers l’Avenue de la Grande-Désarmée, les femmes ont survécu à une maladie ravageuse et mortelle. Toutes vivent sans leur couillue ! Les grammairiennes intensifient leur déloyauté langagière autour de la Langfem et une révolution couve… "


La masculine est ma première lecture oulipienne (écriture sans aucun mot ou expression masculine).
C'est tout d'abord ce qui m'a attiré quand son auteure, Laurence Qui-Elle, m'a gentiment proposé de lire son livre. Je suis allée voir la fiche du livre et j'ai beaucoup aimé le titre.
Donner comme titre La masculine, à un livre sans mot masculin, m'a fait l'effet d'une folle et douce provocation. Quoi de plus viril que ce mot "masculin" que l'auteure féminise pour le rendre féminin. L'homme est désigné par un mot féminin. Brillant !
Le résumé parsemé de jeux de mots et de lettres a ensuite fini de me convaincre.

Nous suivons La K, une jeune trentenaire  parisienne, rédactrice dans la gazette "Femmes à la plume".
Il y a une soixantaine d'année, une mystérieuse maladie a soudainement touché tous les hommes de la planète, les faisant disparaître un à un, laissant aux femmes la jouissance d'une terre exclusivement féminine. Petit à petit le langage évolue, interdisant l'utilisation de mots de genre masculin, et cherchant à féminiser au maximum les dernières traces de neutralité présentes dans la langue française. La liberté d'expression n'est plus, la soumission sévit.
Face à la décrépitude de ce monde exclusivement féminin, La K décide de ne pas rester les bras croisés.

Le premier chapitre m'a donné un peu de fil à retorde. En effet, il m'a été difficile de rentrer pleinement dans l'histoire en elle-même car il faut s'habituer à cette écriture oulipienne.
C'est une écriture où les mots (masculins) communs que nous avons l'habitude de lire sont remplacés par des synonymes féminins moins communs ou par des tournures de phrases alambiquées. C'est différent, et il m'a fallut un temps pour m'y faire.
De plus, il y a beaucoup de notes de bas de page, un vocabulaire précis à acquérir... ce n'est pas rien !
La tâche est ardue, mais l'histoire est prenante dès le début, alors une fois qu'on a pris le pli, tout s'enchaîne, et les chapitres se lisent avec de plus en plus de fluidité.

J'ai beaucoup aimé l'humour, présent tout au long de l'histoire. Tant dans l'histoire elle-même ou de la part de certains personnages mais surtout dans les notes de bas de page !
J'ai beaucoup aimé les personnages de la maman de La K et de sa grand-mère Gope. Le personnage de Glike est aussi très touchant.

J'ai trouvé très intéressant que le monde exclusivement féminin ne tourne pas mieux que notre monde actuel, dirigé en grande majorité par des hommes.
Pendant une bonne partie de ma lecture, j'ai eu en tête la chanson "Miss Maggie" de Renaud, dans lequel il explique que tous les malheurs qui arrivent à cette terre sont commis par des hommes.
Laurence Qui-Elle démontre ici qu'une société exclusivement féminine n'est pas parfaite. Tout comme au temps où les hommes existaient encore, une révolution se prépare. Les femmes, avec leur folie féministe, n'ont pas fait mieux.

J'ai dévoré les deux derniers chapitres, j'en ai tiré de très belles conclusions que je ne peux expliciter ici pour ne rien dévoiler.

Je vous conseille vraiment de tenter l'aventure avec La masculine, qui parfois prend de lointains airs de 1984 de George Orwell.

J'ai particulièrement aimé ce passage : "Je repensais aux réflexions de Maman, convaincue que l’existence humaine, privée de masculines se tournerait en une infirmité dégoûtante, en une blessure maudite."


Mon exemplaire était aux Editions du Net (auto-édition).

Commentaires