Anomalie || Julie Peyr

Résumé : "Au milieu des années 1980, dans ce qu'on appelle encore la banlieue rouge, Leila, 12 ans, et son cadet de deux ans, Mehdi, poussent en liberté entre les tours de leur cité HLM, l'école, la fête de l'Huma et le bord du fleuve, à la recherche de nouveaux territoires à conquérir.
À la piscine municipale, ils rencontrent Mai qu'une scoliose oblige à nager toutes les semaines. Sur une bande son où Michael Jackson apostrophe Earth Wind & Fire, les trois enfants se découvrent, s'apprivoisent et se séduisent avec l'intensité de leur âge.
L'anomalie est cette poésie sauvage de la préadolescence. Ce moment suspendu dont on ne revient jamais tout à fait."


Mehdi a trente-quatre ans. Sa vie n'est pas celle qu'il aurait pu espérer avoir. Pourquoi ?
A quel moment les événements de la vie l'ont éloigné de son destin ?
C'est avec cette pointe dans le cœur et pour essayer de comprendre, qu'il va se remémorer sa préadolescence, lorsqu'il n'avait que 10 ans et qu'il entrait en CM2.
Il vivait alors avec sa sœur Leila, deux ans de plus que lui, et ses parents adoptifs, Danielle et son mari Dédé, dans une tour de la cité Pagel à l'Île Saint-Denis.
Les deux enfants occupent leur temps libre entre traîner au pieds des tours avec les autres gamins de leur âge et les cours de natations qu'ils suivent à la piscine municipale.
C'est d'ailleurs à la piscine qu'ils rencontreront Mai, une jeune fille de leur âge atteinte d'une scoliose, qui, forcée, suit des cours de natation pour corriger la torsion de sa colonne.

Dès le départ, on sent que quelque chose ne va pas dans cette famille qui pourrait ressembler à n'importe quelle famille lambda. Danielle joue son rôle de mère mais  à distance, sans réelle affection. Quant à Dédé, il ignore la présence des enfants ne voyant en eux que des étrangers avec qui il est obligé de cohabiter, regrettant parfois leur présence. Danielle reste malgré tout le ciment de cette famille, mais lorsqu'elle apprendra qu'elle est atteinte d'un cancer, le ciment va se fissurer et le chaos va s'abattre sur cette famille dysfonctionnelle, emportant tout sur son passage.

C'est vraiment un livre très émouvant, très dur aussi, révoltant parfois, que j'ai eu beaucoup de mal à lâcher. On est témoin de secrets férocement gardés, de mensonges, de non-dits. On est témoin qu'une personne ne peut sainement se construire dans une vie bercée de faux-semblants.
Nous assistons à la naissance et aux ravages qu'une personne toxique peut avoir pour son entourage. Des dégâts physiques, moraux, psychiques, dont il est impossible de se défaire.
Continuer à vivre malgré tout ? Continuer à subir ? Chercher à fuir ? Ignorer ? Accepter ? Ou bien décider de mettre fin à la souffrance ?
Les personnages feront des choix auxquels nous assisterons, impuissants.

J'ai beaucoup aimé la plume de Julie Peyr.
La lecture est fluide, parfois je me suis cru dans un film à la façon dont l'histoire était contée.
J'ai beaucoup aimé la violence de certains passages qu'on n'a pas vu venir, qu'on a l'impression de découvrir par hasard alors qu'on ne s'y attendait pas, comme si nous étions témoins de la scène alors que nous passions devant. Ça remue.
J'aime aussi la façon dont est traité le sujet de l'inceste. Je l'ai trouvé traité de façon très intelligente, sans en faire trop, sans le diaboliser et sans l’encenser non plus, nous laissant libres de le ressentir comme bon nous semble. C'est du moins l'impression que j'ai eue. Je me suis trouvée libre de réagir comme bon me semblait à ce que je lisais, sans que l'autrice essaye de manipuler mes pensées et mes réactions.

Si je dois absolument y trouver un petit point négatif ce serait que parfois je me suis perdue entre les rêves et la réalité, je ne comprenais plus si j'étais dans le réel, dans le rêvé ou dans l'imaginé. Peut-être était-ce voulu ?

Quoi qu'il en soit, ce livre est vraiment une très bonne surprise pour moi. En voyant la couverture et le résumé on ne s'attend peut-être pas à un livre aussi dur, même si l'on pressent quelque chose.

Je remercie les éditions des Équateurs de m'avoir envoyé ce livre dans le cadre de l'opération masse critique, ainsi qu'à Aurélia des éditions des Équateurs pour sa petite carte trouvée dans mon livre !
Merci aussi à Babelio pour m'avoir permis de découvrir ce roman.


J'ai beaucoup ris, je l'avoue, en lisant ce passage :
"Ça, expliqua-t-elle, c'est la dernière trouvaille des médecins. Et vous savez quoi ? Je dois le porter tous les jours, et la nuit aussi. Ravissant corset, n'est-ce pas ? 
- Ça te fait quoi ?
- On dirait qu'on m'a cousu une équerre dans le dos.

- C'est toujours mieux qu'un balais dans le cul !" balança Leila.


Mon exemplaire était aux Editions des Équateurs.

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