L'enfant multiple - Andrée Chedid

Résumé : "Fils d'un musulman d'Égypte et d'une chrétienne libanaise, Omar-Jo est un enfant heureux. Mais il habite Beyrouth où, en 1987, les hommes se font la guerre. Un dimanche ensoleillé, une violente explosion lui arrache le bras, et ses parents.En exil à Paris, l'enfant prône l'espoir. Il rencontre Maxime, un forain dont le manège est à l'abandon. Mais Omar-Jo veut vivre, et sous les doigts magiques de son unique main, tout se transforme en or..."


Peut-on encore douter des talents de romancière d'Andrée Chedid ?
Avec l'enfant multiple, Andrée Chedid nous transporte à mi chemin entre le monde de l'insouciance qu'est l'enfance et le monde des adultes, violent et sans pitié.


Omar-Jo a 11 ans ans quand il est témoin de la mort de ses parents durant la guerre qui ravage Beyrouth depuis quinze ans maintenant. Son grand-père, seul parent encore en vie, ne pouvant s'occuper de lui, le confie à de la famille en France.
Au même moment à Paris, Maxime un jeune homme plein de rêves achète un manège qu'il fait tourner d'une main de maître et qui fait la joie des petits et des grands du quartier.
Un jour, alors que les affaires de Maxime connaissent un coup dur et qu'il songe à se séparer de son manège, il fait la rencontre d'Omar-Jo, ce petit garçon sûr de lui, qui promet de nouvelles heures de gloire à ses chevaux de bois.

Cette histoire, très courte, est très touchante.
J'ai beaucoup aimé le parallèle qu'il y a entre les deux personnages.
Omar-Jo est un enfant qui, malgré lui, a grandi trop vite. Il a vu trop d'horreurs et vécu trop de drames pour garder cette insouciance que lui permet l'enfance.
Quant à Maxime c'est un jeune adulte qui a gardé son âme d'enfant et qui décide de tourner le dos à sa famille afin de réaliser son rêve; tenir un manège en bois sur une place parisienne quitte à vivre une vie beaucoup plus modeste que celle à laquelle il était destiné.
A mi-chemin entre l'enfance et le monde des adultes, Omar-Jo et Maxime errent ensemble, chacun trouvant en l'autre ce qui leur permet d'avancer.

Andrée Chedid mêle plusieurs thèmes, mais celui que je retiens particulièrement est celui du multi-culturalisme, et donc des religions. Lorsque les adultes questionnent Omar-Jo à ce propos, les réponses du jeune garçon sont magnifiques et poétiques, faisant alors passer la plus banale des questions "quel Dieu pries-tu ?" pour une question ridicule et obsolète. Pour moi, là est le génie d'Andrée Chedid, et quand on connaît son histoire, et l'histoire de son pays, on comprend que le message qu'elle fait passer ici grâce à Omar-Jo, l'enfant, synonyme d'insouciance, de paix et de vérité, est très fort.

Pour illustrer ce que j'expliquais plus haut sur la dualité d'Omar-Jo, l'enfant un peu trop adulte, j'ai décidé de vous montrer un échange entre Maxime et lui, et qui pour moi, est l'un des plus beaux passages du livre :
- Tu parles parfois comme un enfant, parfois comme un adulte. Quand es-tu toi-même, Omar-Jo ? 
- Chaque fois.


Mon exemplaire était aux éditions Librio.